Overdose

Publié le par Harmonie

Exercice 28 de la communauté écriture ludique. Je voulais faire un texte en deux parties, mais je me suis aperçue que c'était vraiment très long. C'est donc un texte avec les mots de la première liste. Tous les mots de cette liste ont été utilisés.

                                          ***

Je ne sais pas ce qui m’a pris. J’ai peut-être simplement cherché à échapper à la folie.
Mais sans doute faut-il être déjà fou pour croire que se noyer dans les profondeurs de son propre esprit est une bonne idée.

J’avais erré pendant des heures. Sans savoir où j’allais, sans aller quelque part peut-être. Non, c’est sûr : je n’allais nulle part. Marcher, encore et encore, un pied après l’autre, jusqu’à ce que tout mon corps crie d’épuisement, que mes muscles soient sur le point d’exploser, et que je menace de m’effondrer à chaque pas.
Parce que tant que je marchais les choses ne se délitaient pas, c’était comme si je maintenais le monde en ordre. Il existait pour que je marche, et il perdurerait tant que je marcherais. Cela semblait logique. Toute chose se doit d’avoir une raison d’être.

J’avais conscience que cela ne durerait pas. Qu’il faudrait que je m’arrête. Et l’angoisse montait de ce qui se passerait quand cela adviendrait. Une angoisse sourde qui naissait au creux de mon ventre et s’étendait en vrilles le long de mon dos. Une angoisse eschatologique qui agissait sur moi comme un poison. Je frissonnais devant ce désastre annoncé.
Alors j’essayais de repousser les démons grimaçants, de les refouler tout au fond de moi, dans ce magma boueux et sombre dans lequel je n’osais pas regarder. Les enfermer vivants, les emmurer, clore la porte et jeter la clef.
Et continuer à avancer pour ce sauver ce monde.

A mesure que la fatigue montait, la réalité semblait s’éloigner encore davantage. L’univers pâlissait sous mes yeux, et il n’était rien que je puisse faire pour l’en empêcher. Une impuissance tragique qui me hantait.
La sensation de brûlure s’intensifia dans ma pauvre tête, j’avais l’impression d’être en feu.

J’ai fini par tomber bien sûr.

J’ai glissé sur une flaque d’eau, et mes jambes ont lâché. Les traîtresses. Maudites soient-elles.
Les larmes sont venues d’elles-mêmes. Elles ont baigné mon visage, les sanglots m’ont déchiré la poitrine. J’ai senti mon âme se déchiqueter, emportée par morceaux. Les démons devaient être sortis de leur cage.

J’ai tenté de me recroqueviller. Peut-être que si je prends le moins de place possible, que si je me colle au sol, je finirai par ne plus faire qu’un avec la terre, comme un appendice grotesque et pleurant.
Espoir pathétique. Que tu es donc stupide, souffla la voix méprisante.
Mais après tout, l’espérance est la dernière malédiction sortie de la boîte de Pandore.

J’ai soudain eu une vision de cette boîte ouverte comme un cercueil, et j'ai tremblé.

Brusquement, un type s’est penché sur moi. Vous allez bien ? Vous voulez que je vous aide à vous relever ?
J’ai dû lui jeter un regard injecté de sang. Il a reculé.
Partez. Partez sombre idiot, vous qui ignorez encore que vous êtes un damné comme moi ! J’ai hurlé comme une bête féroce.
Ne comprend-t-il pas que c’est moi qui tourne depuis que la Terre a cessé de tourner ? Maudite soit sa compassion, son empathie. J’ai tenté de le rouer de coups. Laissez-moi ! Dégagez ! Dégagez ou je mords !

Une douleur aiguë dans mon crâne. Je gémis. Je ne sais pas combien de temps a duré ma prostration. Quand je levai enfin la tête, il était parti.

Je voulais le rappeler, m’excuser, mais les sons ont refusé de franchir la barrière de mes lèvres. Les mains sur le mur, je parvins à me relever.
Je n’avais donc pas besoin de sa main tendue comme une offrande ! Pas besoin de sa pitié.
J’éprouvais une sorte de fierté sauvage à penser cela.

C’est à ce moment-là que j’ai vu le chat.
C’est un animal psychopompe, je le sais, et la terreur envahissante que j’ai ressentie n’avait rien d’humain.

Et toi, quelle est ta raison d’être ?

La question a résonné comme une condamnation. J’ai trouvé la force de courir encore, moi qui m’en croyais incapable. Je veux échapper aux prunelles fendues et inquisitrices du chat.
J’ai peur.

Je refuse le sacrifice, mais tant que son regard vert me poursuivra, je ne serai pas en paix.

Je veux fuir, partir, tout quitter. Etendre mes ailes et m’envoler vers ailleurs. Mais où ?

Là, entre mes yeux, une lumière éclatante.

Je tends la main, je l’atteindrai. Je le sais. Encore un petit effort…

Puis le monde fut oblitéré et tout devint noir.

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M
je me sens de devenir accro de tes textes!<br /> oh la la!!!!
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H
<br /> <br /> Merci ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
A
non, sérieusement, c'est très bon. J'aime beaucoup...<br /> <br /> Que dire de plus, si ce n'est que c'est un vrai plaisir ! ;)<br /> <br /> :0010:
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H
<br /> <br /> Merci ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
A
Très chèr Harmonie, <br /> <br /> voyons... Echapper à la folie ,... A son plaisir, à toutes ces éventualités, plus belles, plus grandes ?...<br /> <br /> Harmonie, surtout, surtout pas !<br /> <br /> Reste y donc. Pénètre jusqu'au fond du gouffre et sens... Toutes ces odeurs, tout ce souffre !<br /> <br /> Harmonie, surtout ne recule pas. je t'accompagnerai. Je t'ouvrirai la voie et les veines.<br /> <br /> Ensemble, nous nous enfoncerons... Tu verras...<br /> <br /> Harmonie, tu n'as encore rien vu !
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H
<br /> <br /> Houlà ! Tu sais que le "j" du texte n'est pas forcément moi ? ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
C
Surprenant ce texte Harmonie! Toujours aussi douée!
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H
<br /> <br /> Merci ;-)<br /> <br /> <br /> <br />